vendredi 8 mars 2013

Paradis blanc au pays des ramoneurs heureux


Par quel prodige distingue-ton aujourd’hui ce raclement de pelle à neige par 15°C au soleil ? Il nous rappelle que nous avons vu par nos fenêtres, ces huit dernières semaines, toutes les subtilités des variations de blanc gris, du laiteux à l’opalin, du pâle délavé au blême argenté. Certains jours, les flocons n’ont cessé de tomber, depuis le pépin duveté jusqu‘aux balles éfaufilées ou quelquefois avelines crayeuses.

Certains matins la glace a enchâssé nos roues, les pneus ont tant patiné que les virages semblaient manèges,  les glissades ont amusé les enfants et teinté nos fessiers, rougi les joues et les mains. Dans la rue, les retraités ont culbuté la pelle à neige à chaque heure, créant des monticules formidables répartis à intervalles réguliers sur le bord des trottoirs. Certains astucieux ont investi dans une souffleuse à neige, avatar de l’aspirateur à feuilles automnal, qui réduit la corvée à une promenade au grand air devant les yeux avides des manutentionnaires moins bien pourvus !

Ne pas nettoyer son trottoir avant 8h les jours de semaine est passible d’amende, et les services de déneigement pour les particuliers se monnayent plusieurs centaines d’euros mensuels…

Le matin, après le ballet des pelletées, il fallait encore décrocher la toile qui bardait le pare-brise, accumulait la neige et évitait les plaques de givre trop longues à réduire. Tous ces instruments ont voyagé dans les voitures, pour que le conducteur déblaie, en double file, une place pour caler son créneau, après un parcours chaotique dans les ruelles que n’atteignent les services municipaux qu’en cas de danger avéré, et les grands axes ralentis par les quadrilles de chasse-neiges.

Le plus extraordinaire est qu’avec de telles conditions, les retards à l’école sont exceptionnels. « Il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que de mauvais équipements » est la règle que nous avons apprise à l’école aux réunions de rentrée des parents.

Et voilà qu’en quelques heures les eaux ont fondu pour qu’éclosent les perce-neiges  mauves sur nos pelouses brûlées. Pourtant, malgré une semaine de températures parfois très positives, subsistent des amas de neige qui s’étiolent doucement. Alors, pour ne pas perdre leur entraînement, nos voisins retraités sortent régulièrement pour répandre, à coup de pelle à neige, des briquettes de glace sur la chaussée. Elles fondent au soleil et irriguent les jardins…

Dans cette étonnante contrée de chahuteurs de pelles, d’autres énergumènes armés d’échasses sont heureux : ce sont les ramoneurs municipaux qui s’invitent chez vous à 6h30 du matin, sans rendez-vous, pour contrôler le conduit de cheminée. J’aboyais sur l’importun lorsque Patrice, averti par ses collègues du passage imminent de l’homme de l’âtre a accueilli notre visiteur avec civilité.

C’est ainsi que nous sommes passés, en quelques jours, du paradis blanc aux effluves de suie…

PS : Nulle raison de fêter les femmes aujourd’hui dans notre belle Bavière qui accorde à cette seconde part de l’humanité un statut d’ornement actif, mais muet, si celles-ci s’arrogent le toupet de souhaiter être mères !

 

 

 

jeudi 10 janvier 2013

Pfannesupp's Digest 2012


2012, année bavaroise…

L’hiver à Munich est long et froid, mais aussi joyeux. Emmitouflés dans d’épaisses doudounes, les pieds chaussés de bottes fourrées, on y manie quotidiennement, gantés, la pelle à neige et la luge. Les sorties de classe se font en glissant, et maintes batailles de boules de neige et constructions d’igloo scandent les temps libres nombreux, puisque l’école s’arrête à 14h.

L’année commence en fanfare au son des pétards et feux d’artifices, allumés par tous les habitants de la ville, qui embrasent Munich pendant près de deux heures la nuit du réveillon. Accompagnés d’une famille d’amis toulousains venus passer une semaine de vacances, c’est dans notre rue sous la neige, à la main une flûte de champagne offerte par un voisin, que nous avons terminé « la glissade vers la nouvelle année » selon l’expression allemande.

En janvier, Théo fête ses 11 ans à l’hôpital, acheminé sous une tempête de neige mémorable pour une opération bénigne mais urgente. Sa première année de collège se déroule parfaitement. Il faut reconnaître qu’il s’est adapté simultanément à une nouvelle ville, un nouvel environnement, des rythmes inédits, une multitude de professeurs, des copains inconnus et presque deux heures quotidiennes de transport effectuées seul, avec trois changements bus / métro par trajet ! Il apprend en même temps l’anglais et l’allemand, reprend des cours de violon avec notre voisin, violoniste à l’opéra de Bavière et généreux en places de concert donnés dans la magnifique salle bâtie par le roi Louis II.

Alors que le mercure marque -22°C à Munich, Février marque un truculent passage à Paris puis Nantes en pleine tempête de neige, à l’occasion du baptême d’un filleul de Patrice. La famille au grand complet se présente vêtue de culottes de peau et robes tyroliennes. Les vacances d’hiver nous voient accueillir le cousin Valentin venu de Bordeaux pour une semaine de jeux et de ski. Les enfants vivent à l’école et dans la ville un carnaval déjanté, nous dégustons les beignets à la confiture (Krapfen), pâtisserie traditionnelle que l’on peut manger jusqu’au mardi gras à minuit. Nos mercredis après-midi à la piscine permettent de maintenir une ligne svelte que la nourriture allemande pourrait mettre en danger !

En mars nous commençons à sentir que les jours ont rallongé, car la nuit ne tombe qu’à 17h30 (contre 16h15 au pic de l’hiver !) et le thermomètre repasse au-dessus de -10°C pour la première fois depuis six semaines. Plus besoin de déneiger tous les jours, voire plusieurs fois par jour… bref, c’est presque le printemps ! Patrice, alors en déplacement à Madrid, n’a pas vu les trois journées noires - ou plutôt blanches - au cours desquelles il a neigé sans discontinuer. Les deux garçons ont pris chacun leur pelle à neige pour m’aider, matin midi et soir, à maintenir propres et dégagés nos 20m de trottoir, selon l’obligation légale.

Dans le sud de la France nous riions de l’adage « en avril, ne te découvre pas d’un fil ». Nous en avons appris la signification ici à notre retour de vacances en France. Après avoir fêté Pâques dans le jardin de Taillecavat avec cousins et amis, puis campé quelques jours sous une yourte dans les gorges du Verdon, occasion de randonnées au soleil, nous retrouvons avec délice notre Bavière enneigée et gelée !

Nous vivons les élections dans l’atmosphère fébrile des français de l’étranger, englués dans de titanesques files d’attente pour glisser enfin le bulletin dans l’urne, puis c’est la saison des vacances de France qui amène son lot d’amis en visite. Nous entrons dans le mois de mai en ayant visité plusieurs fois les trois pinacothèques, le magnifique zoo, l’incroyable jardin botanique, la plupart des châteaux de Louis II, en ayant découvert le détour des splendides lacs et des vues époustouflantes depuis les sommets alpins. Pour l’Ascension, nous confions nos trois enfants à un couple d’amis et partons vivre quelques jours à Istanbul à la découverte des mosquées, du Bazar et du Palais de Topkapi. Nous rentrons enchantés de la parenthèse turque, et repus de loukoums, baklavas et autres douceurs orientales.

En juin, c’est à notre tour d’accueillir les trois enfants de nos amis. Pendant cinq jours, nous faisons face gaillardement à la vie avec six enfants entre 5 et 11 ans. Belles rigolades et moments inoubliables lorsqu’il faut doucher (ou envoyer à la douche), mettre à table, amener à l’école une telle marmaille ! Juin est aussi le temps des adieux à ceux qui quittent Munich. Nos cœurs se serrent en voyant partir de nouveaux amis qui nous avaient si bien accueillis. Pierre souffre de voir ses deux meilleurs copains de classe retourner à Paris : Ronan l’ami de cœur, et Jean le partenaire de tennis. Il se console en jouant au piano, sa nouvelle passion.

La fin d’année scolaire est tardive en Bavière. Qu’à cela ne tienne, c’est le temps de profiter des Biergarten ! Toutes les occasions sont les bienvenues : passage d’André et Marie-Jo, repas improvisés, matchs de foot, anniversaire de Manon (et ¾ d’anniversaire de Pierre, un inédit qui marche bien !)… La règle des lieux est pratique : il est permis d’apporter son repas ; seules les boissons sont impérativement achetées sur place. Et la bière coule à flots, servie en Maβ, ces chopes d’1 litre ! Théo fait l’expérience de la boisson la plus énergétique possible : le Spezi, mélange de Fanta et de Coca (indescriptible). Notre cher ami Jean, prêtre de Tournefeuille, nous rend visite au début de juillet ; c’est encore l’occasion de nouvelles promenades… et de fêtes en Biergarten !

A la sortie des classes, une famille d’amis vient partager quelques journées avant notre retour en France pour les vacances. La météo se détériore sensiblement à la mi-juillet : des pluies torrentielles marquent toutes les fins de journée, le temps change constamment, avec des variations de température significatives. Le 17 juillet, nous expédions Théo et quatre autres scouts, sans accompagnateur, par le train de 6h27 en direction de Paris puis Brest (13 heures de voyage !), pour un camp de deux semaines achevé par le Jamborée National de Jambville. Après un passage reposant et très agréable à Montreuil chez Yann et Hélène, nous confions Manon et rejoignons les équipes de service du Jamborée avec Pierre. Suivent quatre journées de rencontre, partage, découvertes. Moments inoubliables, intenses ! Comment exprimer à nos amis, proches et collègues que pendant nos vacances nous étions exaltés de cohabiter cinq jours dans les bocages, bivouaquant sous le déluge avec 20.000 personnes dont 19.000 de moins de 25 ans, de se lever avec entrain à 5h chaque matin pour passer sous la douche (8 douches et 4 WC pour 400 personnes…), puis enchaîner les tâches rébarbatives, manger à la cantine avec les 1000 autres adultes qui partagent notre lubie, passer nos soirées assis par terre à auditionner refrains et algarades, sous le vent et la pluie, être successivement agent de sécurité, officier de pompage, creuse-tranchées à la lampe torche (et sous les trombes), planton anti-émeute (une rébellion des bretons revendiquant du beurre salé, suivis par les lyonnais en mal de quenelles), peintre en bâtiment, arbitre de sport, réparateur de tentes, escadron de soutien psychologique, porte-parapluie, borne d’information, porte-flambeau et même bougie d’anniversaire de taille humaine ?

Août rime avec repos bien mérité. Après une semaine de farniente à Taillecavat avec nos amis du réveillon, puis l’anniversaire de mariage d’André et Marie-Jo suivi d’un délicieux week-end dans le repaire de Géraldine en plein Lot-et-Garonne, nous partons pour deux semaines de soleil dans un appartement miniature au bord de l’Océan, à Capbreton. Théo s’initie au surf, nous comptons les étoiles et dévorons les livres achetées dans la Librairie de la Rue en Pente à Bayonne ; difficile à Munich de trouver d’aussi bons conseils de lecture en français !

Pour le retour en Allemagne, nous complétons nos réserves de vin, compotes, saucissons et cornichons par un stock de fromages achetés dans le Cantal en passant visiter la très belle maison achetée et rénovée par Isabelle (la sœur d’Hélène) et son mari Bruno. C’est la canicule, ce qui se traduit par des températures délicieuses au pied de la chaîne des Puys. Nos visiteuses de la fin août (Françoise, la maman d’Hélène et notre nièce Cécile) apprécient les paysages et les Biergarten redevenus fréquentables après les pluies d’été.

La rentrée des classes en septembre amène un nouveau rythme. Manon en grande section, Pierre en CE2, Théo en 5ème, la semaine est ponctuée par les activités : danse et piano pour Manon, tennis et piano pour Pierre, violon, basket et tennis pour Théo, auxquelles s’ajoutent les sorties et week-end scouts, le caté et l’aumônerie. Pour sa deuxième année de congés sans solde, Hélène préside toujours l’assemblée des parents (ah ! les soirées consulaires…), fait le caté pour les CM et suit, en télé-enseignement, les cours de théologie de la Catho de Toulouse.  Elle assure également les arrières d’une maisonnée toujours en mouvement, avec un papa colombin voyageur et une foultitude de nouveaux amis à accueillir ! Patrice a su convaincre sa femme de l’aider à animer le groupe scout qui compte maintenant quarante jeunes et une petite dizaine de chefs, la plupart nouveaux.

Un nouveau locataire, Homère, s’installe dans notre demeure : exilé de l’île de Paros, immigré grec en situation régulière, notre authentique protégé a des manières policées en dehors des aubaines de pitance – ou encore à l’approche de Manon qui le martyrise avec application. Il cabriole à nos flancs, ses ronronnements fracassants s’allument en communes contingences, de l’horizontalité somnolente aux câlineries dans son pelage. Nourri par le matutinal Théo à 6h20, il se prélasse ensuite jusqu’à recueillir quelques caresses au départ des écoliers 90 minutes plus tard. Si la maîtresse de maison persiste dans la place, il consent à la promiscuité, modulo la réduction des résonances superflues (radio, aspirateur, sèche-cheveux) qui dérangent sa sieste qui durera jusqu’à l’obligatoire promenade extérieure (imposée quelle que soit la météo extérieure).

Octobre à Munich voit s’achever la fameuse fête de la Bière qui fait vivre la ville au rythme des sept millions de visiteurs et autant de litres de bières avalées en deux semaines. Gigantesque fête foraine, délire de tenues traditionnelles et de ripailles de poulets et de bretzels, ce moment est unique, inexplicable, burlesque, en bref charmant. Le 14 octobre, notre maison est pleine de bordelais et de toulousains venus courir avec Patrice le marathon de Munich. Ils seront sept au départ, et autant à l’arrivée, ayant accompli toutes les performances dans toutes les conditions possibles. L’exploit est fêté dignement au soir de l’épreuve par force entrecôtes importées d’Ariège avec le colis trimestriel organisé par la communauté française, lassée des repas de porc et de dinde.

A la Toussaint, Mathilde et Elise, les cousines parisiennes et bordelaises, accompagnées de leurs pères respectifs, viennent visiter la Bavière. Neige un jour, soleil et 15°C quelques jours plus tard, l’éventail météo est complet pour des expéditions bigarrées ! A la Saint-Martin, les enfants défilent en procession, portant la lanterne qu’ils ont fabriquée pour garder la lumière dans les journées qui deviennent bien courtes. Nous mangeons les gâteaux en forme d’oie de la Saint-Martin, alors que les voyages incessants de Patrice à Toulouse, Madrid, Marseille se poursuivent, la fatigue commence à se faire sentir…

Décembre commence par la Saint-Nicolas, que les enfants attendent impatiemment en déposant sur le seuil une carotte et un morceau de sucre pour l’âne, et un verre de vin chaud pour le Saint. Le lendemain, les enfants trouvent à la place un chocolat et une orange. Notons que cette année, le sucre avait disparu, mais la carotte et le vin avaient gelé ! Saint-Nicolas passe ensuite dans les classes pour donner des conseils de sagesse, distribuer des friandises – ou prier son acolyte le Père Fouettard de corriger les enfants indociles. La neige nous surprend un matin, abondante, magnifique, puis le mercure chute à -20°C. Le chat se lance à la poursuite de la neige et creuse des tunnels pour cacher ses jouets ou ses proies. La nuit, il découche moins souvent Courageux, nous allons quand même couper notre sapin à la hache dans un champ satiné. Suit une série de grippes : Manon, puis Hélène, Pierre et enfin Patrice… A peine remis, nous accueillons Yann, Hélène, Voltaire et Charlie pour de chouettes vacances de Noël. Au menu, dégustation des gâteaux traditionnels (Plätzchen et Stollen), chocolat et vin chauds, balades en ville, marchés de Noël, patinage, et découverte des merveilleux cadeaux glissés sous le sapin, pendant la messe de minuit, par un ange facétieux (c’est la tradition en Allemagne) !

L’année s’achève par la visite de nos amis du château Haut-Mongeat : virée au château de Neuschwanstein, les trois pinacothèques en une seule journée (Manon et Capucine, hilarantes avec leurs audio-guides pour « lire les tableaux »), piscine d’eau salée en extérieur (c’est encore mieux sous la neige…) et bien-sûr dégustation des vins d’Isabelle avec quelques amis munichois. Visite surprise de Cécile, la marraine de Pierre, bretonne de New-York et globe-trotter notoire pour achever l’année comme elle a commencé, dans les pétards et les feux d’artifices allumés par Patrice, Théo, Pierre et Julien, sous les yeux ébahis de nos dix-sept hôtes du réveillon. Viel Spaβ !

 
 

jeudi 29 novembre 2012

Au bois dormant


Si la Bavière ne suscite plus l’étonnement de la nouveauté que brossaient ces pages l’année dernière, elle acquiert peu à peu pour nous la saveur de la demeure familière, affermie par une admiration croissante pour les étendues préservées qu’offrent Munich et encore plus les contrées affleurant les montagnes.

Nos yeux ont abordé autrement les bacchanales d’octobre ; nous avons entrevu la fermentation des apprêts et des codes adoptés en coulisses, pénétré la doctrine des tenues bigarrées et des écarts caloriques, distingué l’euphorie et le désenchantement au fil des refrains et des éclats. Aux excès des jours de fête succède une modération dans les contenances, une froideur qui semble impénétrable, trempée de retenue envers les allochtones, si ce n’est d’insensible aversion. Ces derniers mettraient-ils en péril les espaces préservés de l’écosystème bavarois ?

Sur les sentiers pastoraux autant que sur les voies autoroutières s’étalent les perspectives que ne brisent aucun bandeau marchande, aucune publicité criarde, aucun interstice désaffecté ou huileux, les bâtiments sont restaurés avant d’être éraillés, les préaux  dépoussiérés avant d’être souillés. La nature est intacte, aussi est-il aisé de s’y couler en familier. L’essentiel est de garder les yeux ouverts pour ne pas s’étourdir, car au pays des fées, certains assoupissements sont prolongés !   

dimanche 26 août 2012

Vis tes rêves !


A l’accueil, tagués par d’enjoués factotums, vous voilà dirigés vers le village où deux cents douars se mêlent aux canadiennes ; piquets enchevêtrés, lacets confondus, toiles étendues à perte de vue… votre abri fusionne dans la métropole textile. A la nuit se propagent les murmures mitoyens, les bourdonnements s’échangent, les déplacements se dotent d’acrobatiques culbutes sur les sardines collectives. 
 
 


Vos bras sont tôt loués pour autant de sémaphores qui régissent les quatre cents pataches estafettes de Bleus. En neuf heures, sous le soleil et la pluie, arrivent à l’envie plus de quinze milliers d’adolescents, foulards bigarrés, yeux déjà pétillants, corps graciles fléchissant sous d’imposantes sacoches, visages illuminés de sourires impatients.
  

Suivent quatre journées de rencontre, partage, découvertes. Moments inoubliables, intenses, source d’énergie pour continuer la route.

Comment exprimer à vos amis, proches et collègues que pendant vos vacances vous étiez exaltés de cohabiter cinq jours dans les bocages, bivouaquant sous le déluge avec 20.000 personnes dont 19.000 de moins de 25 ans, de se lever avec entrain à 5h chaque matin pour passer sous la douche (8 douches et 4 WC pour 400 personnes…), puis enchaîner les tâches rébarbatives, manger à la cantine avec les 1000 autres adultes qui partagent votre lubie, passer vos soirées assis par terre à auditionner refrains et algarades, sous le vent et la pluie, être successivement agent de sécurité, officier de pompage, creuse-tranchées à la lampe torche (et sous les trombes), planton anti-émeute (une rébellion des bretons revendiquant du beurre salé, suivis par les lyonnais en mal de quenelles), peintre en bâtiment, arbitre de sport, réparateur de tentes, escadron de soutien psychologique, porte-parapluie, borne d’information, porte-flambeau et même bougie d’anniversaire de taille humaine ?
 

Pour (re)vivre Vis tes rêves à Jambville, rendez-vous sur http://www.dailymotion.com/video/xsj0n6_vis-tes-re-ves-le-film_webcam
 

 

mercredi 30 mai 2012

Le joli mois de mai !

Mai s’amorce en Bavière, dans chaque paroisse, par l’élévation des mâts.

Sectionnés dans les forêts d’alpage pendant les semaines précédentes, poncés puis peints aux couleurs de l’Etat Libre, ils sont ensuite patronnés jour et nuit par des grappes de jeunes gens. Le défi consiste à dérober le mât de la paroisse voisine, afin d’empocher l’enjeu qui se monnaye en fûts de bières, cochonnailles ou défilés de jeunes filles en tenues légères (pour les prises remarquables).

Le 1er mai, aux aurores, une armée de culottes de peau sort le mât de sa cachette et le porte à bouts de bras jusqu’au lieu de montage. Les vergues peuvent toiser 60 mètres, l’effort est donc soutenu. Confié à la garde des plus jeunes, le Maibaum (arbre de mai) est abandonné par les manutentionnaires qui vont prendre leur première collation de la journée : saucisses et salades de patates, arrosées de bière servie à la Maβ (prononcez « masse »), cette chope en verre carrelé, titrant un litre et portée par poignées de cinq par de colossales Mädchen. Il est environ 9h du matin.

Pendant que les hommes cassent la croûte, les femmes en tenue tressent la couronne de branches de sapin, dans laquelle seront glissés des rubans multicolores.

 Aux flancs sont fixés les écussons des commerçants du quartier, au pied la cocarde de l’année.


          


Commence alors une sérénade huilée, codée et mystérieuse : les hommes glissent sous le pilier des perches entrelacées, agencées à distance réfléchie en commençant par les abords du sommet et élèvent lentement le mât en ajoutant des perches de plus en plus près du fondement. Un relai s’établit, permettant aux éreintés de rejoindre le buffet. Les fûts de bière sont à moitié asséchés lorsque la verticalité est annoncée par le laborieux le plus sobre.

La parade peut alors commencer !


 


dimanche 22 avril 2012

A voté !

Les quatre bureaux de vote des français de Bavière ont ouvert ce matin à 8h. Nous sommes 46 000 inscrits au consultat. Faites vos calculs...

Lorsque la smala Brossier, vélocipédiquement  acheminée, a atteint l’école française un peu avant 8h10, sous une légère bruine, deux cents hominidés en imperméable temporisaient, dressés sur leurs pattes de derrière, à l’extérieur du bâtiment.

Les fins de liste alphabétiques étant considérablement plus développés que les débuts de liste, madame avait voté à 8h40 tandis que monsieur faisait encore le planton devant les portes.  Une heure plus tard, « a voté » !

 Dire que voter est un devoir civique…

mardi 17 avril 2012

Des transhumances

Les intermèdes plaisanciers permettent aux bavarois d’adoption d’assouvir leur chasse héliantivore, en visée des layons où se produisent le plus fréquemment les rayons du soleil. Avides d’un départ hâtif, voici nos aventuriers ensemencés dans les embâcles munichois, empruntant un Korridor tyrolien aux entours du lac de Constance, puis infiltrant le territoire helvète à la recherche de l’inappréciable vignette qui agrée la circulation sur les artères de la fédération. Avisant un panneau de transit, nos voyageurs s’enrôlent sur une aire assignée aux 38 tonnes ; l’Espace, pourtant spacieuse, y fait office de chaloupe au milieu des super tankers. De vignette point, mais un seuil inédit aux suisses avenues, sans acquittement de l’octroi présagé. 

Qui ne sait les autoroutes helvètes à la sortie des bureaux de Zurich ? Prenez un retour de Normandie un dimanche soir de mai, ou un fameux samedi enneigé au péage de Saint-Arnould, cousins timides du capharnaüm évoqué. Nous optons pour une bretelle bernoise dans un patelin moyenâgeux, attifé d’un pont en bois bardé, de ruelles serpentines, de fraiches fontaines… et d’une auberge turque. Les enfants, ensachés dans la voiture entre les fûts de bière, déambulent et apprécient leur premier diner de vacanciers, prodigué par un serveur contemplatif. L’épopée, via Genève, s’achève au mitan de la nuit au nord de Chambéry où les conducteurs, lessivés, rechargent leurs accus.

Amis chers et parents, nature éveillée et instants de fraîcheur…   

Dix jours girondins suscitent des envies de montagne. Cap sur la yourte du Verdon où, accueillis par Vanessa et la petite Alice, les voyageurs découvrent les délices de l’Extrême-Orient : inoubliables brioches tièdes et madeleines au chocolat ! Randonnées à couper le souffle et nuits chaudes dans nos divans mongols, aux pieds des collines enneigées.

Quatre aubes plus tard, le transhumant cortège longe la côte génoise, coupe la plaine du Pô, vire au nord de Venise et franchit la barrière alpine en Autriche. Le soleil n’a pas suivi à Munich, et pourtant nous rallions notre logis avec contentement. Viel Spaß !