2012, année bavaroise…
L’hiver à Munich est long et froid, mais aussi joyeux. Emmitouflés
dans d’épaisses doudounes, les pieds chaussés de bottes fourrées, on y manie
quotidiennement, gantés, la pelle à neige et la luge. Les sorties de classe se
font en glissant, et maintes batailles de boules de neige et constructions
d’igloo scandent les temps libres nombreux, puisque l’école s’arrête à 14h.
L’année commence en fanfare au son des pétards et feux
d’artifices, allumés par tous les habitants de la ville, qui embrasent Munich
pendant près de deux heures la nuit du réveillon. Accompagnés d’une famille
d’amis toulousains venus passer une semaine de vacances, c’est dans notre rue
sous la neige, à la main une flûte de champagne offerte par un voisin, que nous
avons terminé « la glissade vers la nouvelle année » selon
l’expression allemande.
En janvier, Théo fête ses 11 ans à l’hôpital, acheminé sous une
tempête de neige mémorable pour une opération bénigne mais urgente. Sa première
année de collège se déroule parfaitement. Il faut reconnaître qu’il s’est
adapté simultanément à une nouvelle ville, un nouvel environnement, des rythmes
inédits, une multitude de professeurs, des copains inconnus et presque deux
heures quotidiennes de transport effectuées seul, avec trois changements bus /
métro par trajet ! Il apprend en même temps l’anglais et l’allemand,
reprend des cours de violon avec notre voisin, violoniste à l’opéra de Bavière
et généreux en places de concert donnés dans la magnifique salle bâtie par le
roi Louis II.
Alors que le mercure marque -22°C à Munich, Février marque un
truculent passage à Paris puis Nantes en pleine tempête de neige, à l’occasion
du baptême d’un filleul de Patrice. La famille au grand complet se présente
vêtue de culottes de peau et robes tyroliennes. Les vacances d’hiver nous voient
accueillir le cousin Valentin venu de Bordeaux pour une semaine de jeux et de
ski. Les enfants vivent à l’école et dans la ville un carnaval déjanté, nous
dégustons les beignets à la confiture (Krapfen), pâtisserie traditionnelle que
l’on peut manger jusqu’au mardi gras à minuit. Nos mercredis après-midi à la
piscine permettent de maintenir une ligne svelte que la nourriture allemande
pourrait mettre en danger !
En mars nous commençons à sentir que les jours ont rallongé, car
la nuit ne tombe qu’à 17h30 (contre 16h15 au pic de l’hiver !) et le
thermomètre repasse au-dessus de -10°C pour la première fois depuis six
semaines. Plus besoin de déneiger tous les jours, voire plusieurs fois par
jour… bref, c’est presque le printemps ! Patrice, alors en déplacement à
Madrid, n’a pas vu les trois journées noires - ou plutôt blanches - au cours
desquelles il a neigé sans discontinuer. Les deux garçons ont pris chacun leur
pelle à neige pour m’aider, matin midi et soir, à maintenir propres et dégagés
nos 20m de trottoir, selon l’obligation légale.
Dans le sud de la France nous riions de l’adage « en avril,
ne te découvre pas d’un fil ». Nous en avons appris la signification ici à
notre retour de vacances en France. Après avoir fêté Pâques dans le jardin de
Taillecavat avec cousins et amis, puis campé quelques jours sous une yourte
dans les gorges du Verdon, occasion de randonnées au soleil, nous retrouvons
avec délice notre Bavière enneigée et gelée !
Nous vivons les élections dans l’atmosphère fébrile des français
de l’étranger, englués dans de titanesques files d’attente pour glisser enfin
le bulletin dans l’urne, puis c’est la saison des vacances de France qui amène
son lot d’amis en visite. Nous entrons dans le mois de mai en ayant visité
plusieurs fois les trois pinacothèques, le magnifique zoo, l’incroyable jardin
botanique, la plupart des châteaux de Louis II, en ayant découvert le détour des
splendides lacs et des vues époustouflantes depuis les sommets alpins. Pour
l’Ascension, nous confions nos trois enfants à un couple d’amis et partons
vivre quelques jours à Istanbul à la découverte des mosquées, du Bazar et du
Palais de Topkapi. Nous rentrons enchantés de la parenthèse turque, et repus de
loukoums, baklavas et autres douceurs orientales.
En juin, c’est à notre tour d’accueillir les trois enfants de
nos amis. Pendant cinq jours, nous faisons face gaillardement à la vie avec six
enfants entre 5 et 11 ans. Belles rigolades et moments inoubliables lorsqu’il
faut doucher (ou envoyer à la douche), mettre à table, amener à l’école une
telle marmaille ! Juin est aussi le temps des adieux à ceux qui quittent
Munich. Nos cœurs se serrent en voyant partir de nouveaux amis qui nous avaient
si bien accueillis. Pierre souffre de voir ses deux meilleurs copains de classe
retourner à Paris : Ronan l’ami de cœur, et Jean le partenaire de tennis.
Il se console en jouant au piano, sa nouvelle passion.
La fin d’année scolaire est tardive en Bavière. Qu’à cela ne
tienne, c’est le temps de profiter des Biergarten ! Toutes les occasions
sont les bienvenues : passage d’André et Marie-Jo, repas improvisés, matchs
de foot, anniversaire de Manon (et ¾ d’anniversaire de Pierre, un inédit qui
marche bien !)… La règle des lieux est pratique : il est permis
d’apporter son repas ; seules les boissons sont impérativement achetées
sur place. Et la bière coule à flots, servie en Maβ, ces chopes d’1
litre ! Théo fait l’expérience de la boisson la plus énergétique
possible : le Spezi, mélange de Fanta et de Coca (indescriptible). Notre
cher ami Jean, prêtre de Tournefeuille, nous rend visite au début de
juillet ; c’est encore l’occasion de nouvelles promenades… et de fêtes en
Biergarten !
A la sortie des classes, une famille d’amis vient partager
quelques journées avant notre retour en France pour les vacances. La météo se
détériore sensiblement à la mi-juillet : des pluies torrentielles marquent
toutes les fins de journée, le temps change constamment, avec des variations de
température significatives. Le 17 juillet, nous expédions Théo et quatre autres
scouts, sans accompagnateur, par le train de 6h27 en direction de Paris puis
Brest (13 heures de voyage !), pour un camp de deux semaines achevé par le
Jamborée National de Jambville. Après un passage reposant et très agréable à
Montreuil chez Yann et Hélène, nous confions Manon et rejoignons les équipes de
service du Jamborée avec Pierre. Suivent quatre journées de rencontre, partage,
découvertes. Moments inoubliables, intenses ! Comment exprimer à nos amis,
proches et collègues que pendant nos vacances nous étions exaltés de cohabiter
cinq jours dans les bocages, bivouaquant sous le déluge avec 20.000 personnes
dont 19.000 de moins de 25 ans, de se lever avec entrain à 5h chaque matin pour
passer sous la douche (8 douches et 4 WC pour 400 personnes…), puis enchaîner
les tâches rébarbatives, manger à la cantine avec les 1000 autres adultes qui
partagent notre lubie, passer nos soirées assis par terre à auditionner
refrains et algarades, sous le vent et la pluie, être successivement agent de
sécurité, officier de pompage, creuse-tranchées à la lampe torche (et sous les
trombes), planton anti-émeute (une rébellion des bretons revendiquant du beurre
salé, suivis par les lyonnais en mal de quenelles), peintre en bâtiment,
arbitre de sport, réparateur de tentes, escadron de soutien psychologique,
porte-parapluie, borne d’information, porte-flambeau et même bougie d’anniversaire
de taille humaine ?
Août rime avec repos bien mérité. Après une semaine de farniente
à Taillecavat avec nos amis du réveillon, puis l’anniversaire de mariage
d’André et Marie-Jo suivi d’un délicieux week-end dans le repaire de Géraldine
en plein Lot-et-Garonne, nous partons pour deux semaines de soleil dans un
appartement miniature au bord de l’Océan, à Capbreton. Théo s’initie au surf,
nous comptons les étoiles et dévorons les livres achetées dans la Librairie de
la Rue en Pente à Bayonne ; difficile à Munich de trouver d’aussi bons
conseils de lecture en français !
Pour le retour en Allemagne, nous complétons nos réserves de
vin, compotes, saucissons et cornichons par un stock de fromages achetés dans
le Cantal en passant visiter la très belle maison achetée et rénovée par
Isabelle (la sœur d’Hélène) et son mari Bruno. C’est la canicule, ce qui se
traduit par des températures délicieuses au pied de la chaîne des Puys. Nos
visiteuses de la fin août (Françoise, la maman d’Hélène et notre nièce Cécile)
apprécient les paysages et les Biergarten redevenus fréquentables après les
pluies d’été.
La rentrée des classes en septembre amène un nouveau rythme.
Manon en grande section, Pierre en CE2, Théo en 5ème, la semaine est
ponctuée par les activités : danse et piano pour Manon, tennis et piano
pour Pierre, violon, basket et tennis pour Théo, auxquelles s’ajoutent les
sorties et week-end scouts, le caté et l’aumônerie. Pour sa deuxième année de
congés sans solde, Hélène préside toujours l’assemblée des parents (ah !
les soirées consulaires…), fait le caté pour les CM et suit, en
télé-enseignement, les cours de théologie de la Catho de Toulouse. Elle assure également les arrières d’une
maisonnée toujours en mouvement, avec un papa colombin voyageur et une
foultitude de nouveaux amis à accueillir ! Patrice a su convaincre sa
femme de l’aider à animer le groupe scout qui compte maintenant quarante jeunes
et une petite dizaine de chefs, la plupart nouveaux.
Un nouveau locataire, Homère, s’installe dans notre demeure :
exilé de l’île de Paros, immigré grec en situation régulière, notre authentique
protégé a des manières policées en dehors des aubaines de pitance – ou encore à
l’approche de Manon qui le martyrise avec application. Il cabriole à nos
flancs, ses ronronnements fracassants s’allument en communes contingences, de
l’horizontalité somnolente aux câlineries dans son pelage. Nourri par le
matutinal Théo à 6h20, il se prélasse ensuite jusqu’à recueillir quelques
caresses au départ des écoliers 90 minutes plus tard. Si la maîtresse de maison
persiste dans la place, il consent à la promiscuité, modulo la réduction des
résonances superflues (radio, aspirateur, sèche-cheveux) qui dérangent sa
sieste qui durera jusqu’à l’obligatoire promenade extérieure (imposée quelle
que soit la météo extérieure).
Octobre à Munich voit s’achever la fameuse fête de la Bière qui
fait vivre la ville au rythme des sept millions de visiteurs et autant de
litres de bières avalées en deux semaines. Gigantesque fête foraine, délire de
tenues traditionnelles et de ripailles de poulets et de bretzels, ce moment est
unique, inexplicable, burlesque, en bref charmant. Le 14 octobre, notre maison
est pleine de bordelais et de toulousains venus courir avec Patrice le marathon
de Munich. Ils seront sept au départ, et autant à l’arrivée, ayant accompli
toutes les performances dans toutes les conditions possibles. L’exploit est
fêté dignement au soir de l’épreuve par force entrecôtes importées d’Ariège
avec le colis trimestriel organisé par la communauté française, lassée des
repas de porc et de dinde.
A la Toussaint, Mathilde et Elise, les cousines parisiennes et
bordelaises, accompagnées de leurs pères respectifs, viennent visiter la
Bavière. Neige un jour, soleil et 15°C quelques jours plus tard, l’éventail
météo est complet pour des expéditions bigarrées ! A la Saint-Martin,
les enfants défilent en procession, portant la lanterne qu’ils ont fabriquée
pour garder la lumière dans les journées qui deviennent bien courtes. Nous
mangeons les gâteaux en forme d’oie de la Saint-Martin, alors que les voyages
incessants de Patrice à Toulouse, Madrid, Marseille se poursuivent, la fatigue
commence à se faire sentir…
Décembre commence par la Saint-Nicolas, que les enfants attendent
impatiemment en déposant sur le seuil une carotte et un morceau de sucre pour
l’âne, et un verre de vin chaud pour le Saint. Le lendemain, les enfants
trouvent à la place un chocolat et une orange. Notons que cette année, le sucre
avait disparu, mais la carotte et le vin avaient gelé ! Saint-Nicolas
passe ensuite dans les classes pour donner des conseils de sagesse, distribuer
des friandises – ou prier son acolyte le Père Fouettard de corriger les enfants
indociles. La neige nous surprend un matin, abondante, magnifique, puis le mercure
chute à -20°C. Le chat se lance à la poursuite de la neige et creuse des
tunnels pour cacher ses jouets ou ses proies. La nuit, il découche moins
souvent Courageux, nous allons quand même couper notre sapin à la hache dans un
champ satiné. Suit une série de grippes : Manon, puis Hélène, Pierre et
enfin Patrice… A peine remis, nous accueillons Yann, Hélène, Voltaire et
Charlie pour de chouettes vacances de Noël. Au menu, dégustation des gâteaux
traditionnels (Plätzchen et Stollen), chocolat et vin chauds, balades en ville,
marchés de Noël, patinage, et découverte des merveilleux cadeaux glissés sous
le sapin, pendant la messe de minuit, par un ange facétieux (c’est la tradition
en Allemagne) !
L’année s’achève par la visite de nos amis du château Haut-Mongeat :
virée au château de Neuschwanstein, les trois pinacothèques en une seule
journée (Manon et Capucine, hilarantes avec leurs audio-guides pour « lire
les tableaux »), piscine d’eau salée en extérieur (c’est encore mieux sous
la neige…) et bien-sûr dégustation des vins d’Isabelle avec quelques amis
munichois. Visite surprise de Cécile, la marraine de Pierre, bretonne de
New-York et globe-trotter notoire pour achever l’année comme elle a commencé,
dans les pétards et les feux d’artifices allumés par Patrice, Théo, Pierre et
Julien, sous les yeux ébahis de nos dix-sept hôtes du réveillon. Viel
Spaβ !