Par quel prodige distingue-ton aujourd’hui ce raclement de pelle
à neige par 15°C au soleil ? Il nous rappelle que nous avons vu par nos
fenêtres, ces huit dernières semaines, toutes les subtilités des variations de
blanc gris, du laiteux à l’opalin, du pâle délavé au blême argenté. Certains
jours, les flocons n’ont cessé de tomber, depuis le pépin duveté jusqu‘aux
balles éfaufilées ou quelquefois avelines crayeuses.
Certains matins la glace a enchâssé nos roues, les pneus ont
tant patiné que les virages semblaient manèges, les glissades ont amusé les enfants et teinté
nos fessiers, rougi les joues et les mains. Dans la rue, les retraités ont culbuté
la pelle à neige à chaque heure, créant des monticules formidables répartis à
intervalles réguliers sur le bord des trottoirs. Certains astucieux ont investi
dans une souffleuse à neige, avatar de l’aspirateur à feuilles automnal, qui réduit
la corvée à une promenade au grand air devant les yeux avides des
manutentionnaires moins bien pourvus !
Ne pas nettoyer son trottoir avant 8h les jours de semaine est
passible d’amende, et les services de déneigement pour les particuliers se monnayent
plusieurs centaines d’euros mensuels…
Le matin, après le ballet des pelletées, il fallait encore
décrocher la toile qui bardait le pare-brise, accumulait la neige et évitait les
plaques de givre trop longues à réduire. Tous ces instruments ont voyagé dans
les voitures, pour que le conducteur déblaie, en double file, une place pour
caler son créneau, après un parcours chaotique dans les ruelles que n’atteignent
les services municipaux qu’en cas de danger avéré, et les grands axes ralentis
par les quadrilles de chasse-neiges.
Le plus extraordinaire est qu’avec de telles conditions, les
retards à l’école sont exceptionnels. « Il n’y a pas de mauvais temps, il
n’y a que de mauvais équipements » est la règle que nous avons apprise à l’école
aux réunions de rentrée des parents.
Et voilà qu’en quelques heures les eaux ont fondu pour qu’éclosent
les perce-neiges mauves sur nos pelouses
brûlées. Pourtant, malgré une semaine de températures parfois très positives, subsistent
des amas de neige qui s’étiolent doucement. Alors, pour ne pas perdre leur
entraînement, nos voisins retraités sortent régulièrement pour répandre, à coup
de pelle à neige, des briquettes de glace sur la chaussée. Elles fondent au
soleil et irriguent les jardins…
Dans cette étonnante contrée de chahuteurs de pelles, d’autres énergumènes
armés d’échasses sont heureux : ce sont les ramoneurs municipaux qui s’invitent
chez vous à 6h30 du matin, sans rendez-vous, pour contrôler le conduit de
cheminée. J’aboyais sur l’importun lorsque Patrice, averti par ses collègues du
passage imminent de l’homme de l’âtre a accueilli notre visiteur avec civilité.
C’est ainsi que nous sommes passés, en quelques jours, du
paradis blanc aux effluves de suie…
PS : Nulle raison de fêter les femmes aujourd’hui dans notre
belle Bavière qui accorde à cette seconde part de l’humanité un statut d’ornement
actif, mais muet, si celles-ci s’arrogent le toupet de souhaiter être mères !
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