mardi 27 septembre 2011

La soupe du jour

Amis francophones de métropole et d’ailleurs, Grüß Gott !

Une trêve dans nos ardeurs bavardes vous ont permis de sereinement souffrir les tumultes de septembre. Aux lisières des forêts bavaroises se sont également déferlées les fougues industrieuses d’une rentrée scolaire en terrain allogène. Nos habitués nous ayant engagés à relater notre vie familière, voici donc un « Pfannesuppe quotidien ».

L’ordre protocolaire place la famille Poissons (par le quantième) au premier rang. Vous aviez quitté quatorze locataires de l’aquarium, le recensement s’est profusément réduit. A la suite de l’acidification éclair de leur milieu de vie, nous avons procédé à une séparation temporaire en deux échantillons ichtyologiques : les voraces et les faméliques. Un représentant de la première population ayant expérimenté un salto suicidaire en dehors du réservoir, les gloutons ont été éructés dans l’Isar, pour un circuit au long cours puisque notre ruisseau se jette dans le Danube qui, comme chacun le sait, est le deuxième plus long fleuve d’Europe, prenant sa source dans la Forêt-Noire, mesurant 3 019 km à partir de sa source et baignant plusieurs capitales de l’Europe Centrale, Orientale et Méridionale : Vienne, Bratislava, Budapest et Belgrade, puis  se jetant dans la mer Noire par un delta qui sépare la Roumanie et l' Ukraine (merci Wikipédia). A l’heure où s’écrivent ces lignes, quelques homonymes de vos enfants sont donc en voyage d’études. Les six survivants (sur un assortiment initial de vint-quatre) accèdent enfin à la pitance et se portent à merveille.

Au nombre des excursionnistes, Patrice gobe les kilomètres et ripaille alternativement chez nous et chez nos amis toulousains. Son goût de l’intrigue politicio-avionique varie au diapason des ondulations diplomatiques. A en croire les pelletées de terre qu’il a récemment répandues dans le jardin en lieu et place de la lagune, l’heure est aux tensions professionnelles soutenues.

Fraîchement collégien, Théo discerne l’espace de liberté que lui ont agréé ses parents : pour prévenir des aléas de longs trajets (plus de 40 min) aux multiples changements (bus / métro / train), notre préadolescent dispose de sa propre clé et d’un téléphone portable bloqué. Le cercle polyglotte de ses nouveaux complices s’est rapidement constitué, incitant notre timide à entrelacer l’anglais et l’allemand pour exprimer ses émotions. Réticent au démêloir et aux sécateurs capillaires, ensaché dans des paletots trop larges… il semble s’éloigner de son tableau de sagesse ! L’immersion dans cet environnement inédit l’a néanmoins mûri et lui a ouvert incontestablement des horizons à explorer.

Pierre le consciencieux cabote dans ses neuf heures d’allemand hebdomadaires, et ambitionne d’être le premier germanophone de la couvée. Il fraternise avec les gamins du quartier, détale dès que possible pour ne rentrer qu’au crépuscule s’écraser sur son lit jusqu’à l’aube. La cadence scolaire germanique (école jusqu’à 14h) combinée aux magnifiques journées de ce mois de septembre lui convient pour l’instant.

En ces journées d’Oktoberfest (gauchement traduit Fête de la Bière), Manon a noblement porté le dirndl, parement princier embrassé ces jours-ci (mais pas seulement) par l’ensemble de la ville sans considération d’âge ou de sexe. Immergée dans le bain linguistique entretenu par ses deux enseignantes, Manon revendique qu’on lui parle allemand à la maison et récite des comptines locales en montant les trois fois quatorze marches qui mènent à sa mansarde. Pour notre désespoir, elle est enchantée par les assortiments bretzel-saucisses…

Et pour ma part, apaisée des agacements professionnels, sorte d’essieu familial aux inhabituelles et délicieuses heures de sérénité, je déroule mon ouvrage notamment dans le consensuel conseil des parents de l’école française.

A bientôt !

mardi 6 septembre 2011

Tiens, ce matin, Maxime et Antoine ont bonne mine !

Futurs visiteurs de Rodachtalweg et autres lecteurs avides de nos péripéties, bonjour !

Agréons en préface les contributeurs amènes qui nous ont transmis un relevé toponymique éclatant de notre quartier, bien plus achevé que mes vagues peintures sur la présente gazette. Nous avons ainsi appris que quelques-uns de nos voisins disposaient d’une piscine ou d’installations étendues de production d’électricité solaire, ce qui paraît pour le moins prodigieux en de telles latitudes.

Notre jardinet considérablement exigu était, quant à lui, vérolé par un lagon exotique qui occupait plus d’un tiers de sa surface et permettait à une luxuriante végétation lacustre d’envahir ce que les sureaux n’avaient pas encore colonisé. Au prix de plusieurs journées d’efforts, nous avons abattu des monceaux de foliations, et relaxé, les pieds dans la vase, près de quatre-vingt seaux d’eau fangeuse que nous avons versés, devant des riverains offusqués, directement dans le caniveau. Le drainage qui a suivi ces opérations a été observé presque discrètement par nos voisins jusqu’à élimination des dernières stigmates de boue.

Après taraudage et équarrissage des couches plastiques et textiles, le marais s’est paisiblement asséché, laissant à notre propriétaire le temps de venir moissonner quelques spécimens de ses vénérés nénuphars japonais avec lesquels leur mère (ensemencée au cœur de Kyoto) conserve un lien perpétuel malgré la distance. Subsistait la controverse au sujet des poissons rouges et argentés que nous avions avisés nageant harmonieusement et dont nous évaluions la population à cinq ou six. Chaque seau a donc été soigneusement scanné et la friture préalablement épargnée. Au terme de notre labeur, ce sont vingt-quatre grésillements visqueux qui s’agglutinaient dans le saladier.

Le conseil de famille s’est alors réuni, et il a été décidé à la quasi-majorité des votants* que notre installation à Rodachtalweg avait pour conséquence inévitable l’accroissement de la famille de vingt-quatre nouveaux membres dont la masse totale ne représente, somme toute, qu’une infime partie de celle du plus léger membre préalablement enregistré.

* Merci de nous rappeler de modifier rapidement le code électoral Brossier qui accorde une voix pleine et entière à chaque personne sans considération de l’âge. Un aménagement à la proportionnelle aurait probablement modifié les scores.

Pour parachever l’évolution statutaire de nos alevins, le corps électoral a acquis un aquarium de petit volume (donnant à notre élevage des allures de HLM ichtyologique) et procédé au baptême de toute la population. C’est ainsi que tous les cousins et amis des enfants ont été accueillis dans les 35 litres du bocal : Maxime, Antoine, Elise, Pauline, Chloé etc. !

L’aquarium a catalysé l’attention des enfants du quartier et nous ont été prodigués conseils, dons de vitamines et autres granules ; une providentielle voisine a même recueilli dix de nos locataires, ce qui rend le milieu viable à nos autres colons. Bulletin de santé après presque de vingt jours : malgré des conditions peu favorables, les quatorze poissons se portent à merveille.

Viel Spaß

PS : En avant-première nous avons essuyé la rentrée scolaire qui par les hasards des calculs consulaires est arrivée le vendredi 2 septembre. Notez la succession astucieuse des opérations : Théo à 8h30 eu centre-est de Munich (40 minutes de trajet depuis chez nous), Pierre et Manon respectivement à 9h30 et 10h30, et fin des cours de Théo (chargé de tous ses livres) à 12h. Fort heureusement, nous sommes maintenant incollables (ou presque… à suivre !) sur les parcours de métro, train, bus, tramway.