vendredi 9 décembre 2011

La scie, la carotte et le bretzel

Au « deuxième Avent » s’amorce la quête du compère des jubilés de la Nativité, conifère vigile des largesses et des illuminations hiémales.

Nous avons donc mis cap sur Unterweikertshofen pour une odyssée forestière en charrette, puis une randonnée familiale, sciotte au bras, au mitan d’une futaie de résineux. Le suffrage ayant distingué un baliveau fourmillant, aux ramures élégamment distribuées, les aspirants bûcherons (7 et 10 ans) ont amené le titan à croquer ses copeaux.

Le pivot toisé, apprécié, empaqueté a ensuite escorté le retour des badauds dans la carriole chamarrée.

Il est coutumier de fortifier son organisme après une excursion. Un avenant village de maisonnettes a accueilli les dévalés du halage, afin de les rassasier de saucisses grillées, soupe aux lentilles, gaufres et vin chaud dégustés debout, autour d’une flambée, ou installés sur des causeuses taillées à même les souches.

 L’Avent se prolonge par la ronde de Sankt Nikolaus dans les chaumières, dans la nuit précédant le 6 décembre. Aux gamins pondérés et diligents, l’évêque bienfaisant dispense sucreries et présents. Aux indisciplinés, il dépêche le compère Fouettard. Rusés, les enfants tentent d’amadouer le vaillant bienheureux (et sa mule) en disposant sur le seuil une carotte, un sucre et un verre de vin chaud. Le lendemain, le prélat revient dans les écoles, coiffé de mitre et brandissant crosse, sonde chaque écolier sur son attitude, prodigue conseils ou réprimandes puis remet la rituelle musette : l’orange, les chocolats, une bougie et l’étoile de Noël.

Enfin, pour s’acclimater aux banquets à venir, les pâtissiers novices pétrissent (et grignotent) les innombrables Plätzchen et bâtissent leur maison en pain d’épices.

Viel Spaβ !


samedi 3 décembre 2011

Salamandre et pédibusripage

Au déclin du 25 novembre, les lumières de l’Avent s’embrasent sur la cité entière. Les échoppes des Christkindlmärkte (marchés de l’enfant Jésus), édifiées depuis plusieurs semaines, ne se découvrent qu’au seuil du « premier Avent ». Nulle chinoiserie sur les étals ; Sainte- Famille et augets sylvestres, sphères cristallines et luminaires chamarrés… Pour se ravigoter, Plätzchen* gourmands, brochettes de fruits ensevelis sous le chocolat et Glühweine ou autre Kinderpunch, philtres bouillants, épicés et vaporeux que l’on déguste debout, attablés sous des fermettes en sapin ornées de tresses de feuillage.

Au détour d’une ruelle se déroule une aire de pédibusripage. Ailleurs, c’est un kiosque à musique, ou une crèche vivante.  Tout est en place pour l’attente de Noël… hormis la neige qui se fait désirer ! Or les fardiers familiaux ont été acclimatés pour la surgie des floches, boyaux d’hiver et revêts nocturnes, et les anciens occitans enharnachés de pelisses tenaces aux atmosphères polaires. Enfin, une salamandre adhésive a été établie derrière les croisées du jardin d’hiver, afin de dispenser aux quidams domestiques l’indication salutaire : en fonction des Celsius, élisez votre blindage !


Fröhliches Weihnachtszeit !
*sablés

dimanche 13 novembre 2011

Quand la bise fut venue…

Après une saillante parenthèse occitane, presbytérale et sanitaire, cinq promeneurs aux mirettes désormais rectilignes ont suivi de nouveau l’azimut du Septentrion Oriental, avec une pause inédite à Paray-le-Monial. Ritournelle inévitable, le thermomètre a chuté en voyage d’une mesure pour 200 km.

Fortune heureuse, la neige n’a pas encore usurpé la tendre pelouse, néanmoins un frimas glacé s’étend chaque nuit dans les travées et à l’aube les minois rougissent dès le seuil franchi. Des armoires ont surgi écharpes, capuches, mitaines et bottillons fourrés, et les dermes délicats sont bardés d’onguents étoffés.  

A la Saint-Martin (11 novembre), nulle mémoire de Poilus en Germanie, mais une ribambelle de joyeux galopins portant lanternes et psalmodiant la Lumière bienfaitrice. Lustres et lampadaires qui s’animent d’ailleurs dès 16h30 car la nuit s’empare rondement de la contrée !

Pelles à neige et instruments hiémaux ont déjà rejoint l’apanage depuis début octobre ; désormais l’excitation monte alors que les échoppes exhibent les décorations de l’Avent et les recettes savoureuses des délices épicés. Chacun spécule sur la futaie où un traineau le mènera couper le sapin familial, tandis que les destinations secrètes pour les journées de luge s’échangent sous le manteau. Pourtant, hors les flocons épars saupoudrant la tonnelle le 1er octobre au matin, nulle floche immaculée n’a encore admis se poser sur la Bavière impatiente.

A bientôt !

PS : au menu de la cantine de l’école franco-allemande jeudi dernier : Pfannesuppe. Ils ont osé !

dimanche 23 octobre 2011

Oktoberfest et plus encore

En Bavière, avec le mois de septembre revient… la Fête d’octobre (Oktoberfest), parfois sournoisement nommée Fête de la Bière par les exogènes, notamment hexagonaux.  Le premier mouvement se repère dans les transports en commun : une population étrange en culottes de peau et chemise en vichy, guêtres de grosse laine et chaussures de montagne, couvre-chef emplumé parfois orné de l’edelweiss pour les hommes, ample jupe à tablier coloré sur de fines ballerines laquées, échancrure calculée et bijoux engageants, coiffures irréprochables pour les dames. De 3 mois à 99 ans (avec probablement des dérogations hors de ces deux extrêmes), les bipèdes locaux, mais aussi d’innombrables imports, convergent incessamment vers le champ de fête, vaste étendue localisée à 400 mètres du collège de Théo à l’ouest de la ville.
Ce sont quinze aurores et quinze crépuscules de cette transhumance, visages allègres et tenue respectueuse, jours de bombances aux airs de bacchanales, moins délurés et impétueux que ne le suggère la renommée du plus populaire événement festif du monde.

Le champ de fête se rehausse de sept fermettes sylvestres principales de près de 2 acres* chacune, et de centaines d’autres plus modestes, habillées d’elfes et de fées et meublées de tablées de myriades de couverts, d’un banc d’orchestre complet, sans compter les arrière-cours où s’entreposent les fûts, et les cuisines où se déversent pour rôtir des élevages intégraux de demi-poulets.

Les manèges anciens et modernes entourent les métairies, pour que les ventres gonflés de ferment d’orge parfumé au houblon s’épanchent au rythme des culbutes et des girations foraines, tandis que les kiosques à bretzels et à friandises réassortissent les panses retournées.
Après le divertissement, dispensé jovialement et sans grossièreté aucune, chacun s’en retourne silencieusement à ses pénates, non sans avoir orné le cou de sa belle d’un cœur de pain d’épices où s’écrivent des mots doux en lettres de massepain.

Octobre correspondait aussi à l’opération des yeux de Manon. Tout s’est bien passé. Sa convalescence est prodigieuse.
A bientôt !

mardi 27 septembre 2011

La soupe du jour

Amis francophones de métropole et d’ailleurs, Grüß Gott !

Une trêve dans nos ardeurs bavardes vous ont permis de sereinement souffrir les tumultes de septembre. Aux lisières des forêts bavaroises se sont également déferlées les fougues industrieuses d’une rentrée scolaire en terrain allogène. Nos habitués nous ayant engagés à relater notre vie familière, voici donc un « Pfannesuppe quotidien ».

L’ordre protocolaire place la famille Poissons (par le quantième) au premier rang. Vous aviez quitté quatorze locataires de l’aquarium, le recensement s’est profusément réduit. A la suite de l’acidification éclair de leur milieu de vie, nous avons procédé à une séparation temporaire en deux échantillons ichtyologiques : les voraces et les faméliques. Un représentant de la première population ayant expérimenté un salto suicidaire en dehors du réservoir, les gloutons ont été éructés dans l’Isar, pour un circuit au long cours puisque notre ruisseau se jette dans le Danube qui, comme chacun le sait, est le deuxième plus long fleuve d’Europe, prenant sa source dans la Forêt-Noire, mesurant 3 019 km à partir de sa source et baignant plusieurs capitales de l’Europe Centrale, Orientale et Méridionale : Vienne, Bratislava, Budapest et Belgrade, puis  se jetant dans la mer Noire par un delta qui sépare la Roumanie et l' Ukraine (merci Wikipédia). A l’heure où s’écrivent ces lignes, quelques homonymes de vos enfants sont donc en voyage d’études. Les six survivants (sur un assortiment initial de vint-quatre) accèdent enfin à la pitance et se portent à merveille.

Au nombre des excursionnistes, Patrice gobe les kilomètres et ripaille alternativement chez nous et chez nos amis toulousains. Son goût de l’intrigue politicio-avionique varie au diapason des ondulations diplomatiques. A en croire les pelletées de terre qu’il a récemment répandues dans le jardin en lieu et place de la lagune, l’heure est aux tensions professionnelles soutenues.

Fraîchement collégien, Théo discerne l’espace de liberté que lui ont agréé ses parents : pour prévenir des aléas de longs trajets (plus de 40 min) aux multiples changements (bus / métro / train), notre préadolescent dispose de sa propre clé et d’un téléphone portable bloqué. Le cercle polyglotte de ses nouveaux complices s’est rapidement constitué, incitant notre timide à entrelacer l’anglais et l’allemand pour exprimer ses émotions. Réticent au démêloir et aux sécateurs capillaires, ensaché dans des paletots trop larges… il semble s’éloigner de son tableau de sagesse ! L’immersion dans cet environnement inédit l’a néanmoins mûri et lui a ouvert incontestablement des horizons à explorer.

Pierre le consciencieux cabote dans ses neuf heures d’allemand hebdomadaires, et ambitionne d’être le premier germanophone de la couvée. Il fraternise avec les gamins du quartier, détale dès que possible pour ne rentrer qu’au crépuscule s’écraser sur son lit jusqu’à l’aube. La cadence scolaire germanique (école jusqu’à 14h) combinée aux magnifiques journées de ce mois de septembre lui convient pour l’instant.

En ces journées d’Oktoberfest (gauchement traduit Fête de la Bière), Manon a noblement porté le dirndl, parement princier embrassé ces jours-ci (mais pas seulement) par l’ensemble de la ville sans considération d’âge ou de sexe. Immergée dans le bain linguistique entretenu par ses deux enseignantes, Manon revendique qu’on lui parle allemand à la maison et récite des comptines locales en montant les trois fois quatorze marches qui mènent à sa mansarde. Pour notre désespoir, elle est enchantée par les assortiments bretzel-saucisses…

Et pour ma part, apaisée des agacements professionnels, sorte d’essieu familial aux inhabituelles et délicieuses heures de sérénité, je déroule mon ouvrage notamment dans le consensuel conseil des parents de l’école française.

A bientôt !

mardi 6 septembre 2011

Tiens, ce matin, Maxime et Antoine ont bonne mine !

Futurs visiteurs de Rodachtalweg et autres lecteurs avides de nos péripéties, bonjour !

Agréons en préface les contributeurs amènes qui nous ont transmis un relevé toponymique éclatant de notre quartier, bien plus achevé que mes vagues peintures sur la présente gazette. Nous avons ainsi appris que quelques-uns de nos voisins disposaient d’une piscine ou d’installations étendues de production d’électricité solaire, ce qui paraît pour le moins prodigieux en de telles latitudes.

Notre jardinet considérablement exigu était, quant à lui, vérolé par un lagon exotique qui occupait plus d’un tiers de sa surface et permettait à une luxuriante végétation lacustre d’envahir ce que les sureaux n’avaient pas encore colonisé. Au prix de plusieurs journées d’efforts, nous avons abattu des monceaux de foliations, et relaxé, les pieds dans la vase, près de quatre-vingt seaux d’eau fangeuse que nous avons versés, devant des riverains offusqués, directement dans le caniveau. Le drainage qui a suivi ces opérations a été observé presque discrètement par nos voisins jusqu’à élimination des dernières stigmates de boue.

Après taraudage et équarrissage des couches plastiques et textiles, le marais s’est paisiblement asséché, laissant à notre propriétaire le temps de venir moissonner quelques spécimens de ses vénérés nénuphars japonais avec lesquels leur mère (ensemencée au cœur de Kyoto) conserve un lien perpétuel malgré la distance. Subsistait la controverse au sujet des poissons rouges et argentés que nous avions avisés nageant harmonieusement et dont nous évaluions la population à cinq ou six. Chaque seau a donc été soigneusement scanné et la friture préalablement épargnée. Au terme de notre labeur, ce sont vingt-quatre grésillements visqueux qui s’agglutinaient dans le saladier.

Le conseil de famille s’est alors réuni, et il a été décidé à la quasi-majorité des votants* que notre installation à Rodachtalweg avait pour conséquence inévitable l’accroissement de la famille de vingt-quatre nouveaux membres dont la masse totale ne représente, somme toute, qu’une infime partie de celle du plus léger membre préalablement enregistré.

* Merci de nous rappeler de modifier rapidement le code électoral Brossier qui accorde une voix pleine et entière à chaque personne sans considération de l’âge. Un aménagement à la proportionnelle aurait probablement modifié les scores.

Pour parachever l’évolution statutaire de nos alevins, le corps électoral a acquis un aquarium de petit volume (donnant à notre élevage des allures de HLM ichtyologique) et procédé au baptême de toute la population. C’est ainsi que tous les cousins et amis des enfants ont été accueillis dans les 35 litres du bocal : Maxime, Antoine, Elise, Pauline, Chloé etc. !

L’aquarium a catalysé l’attention des enfants du quartier et nous ont été prodigués conseils, dons de vitamines et autres granules ; une providentielle voisine a même recueilli dix de nos locataires, ce qui rend le milieu viable à nos autres colons. Bulletin de santé après presque de vingt jours : malgré des conditions peu favorables, les quatorze poissons se portent à merveille.

Viel Spaß

PS : En avant-première nous avons essuyé la rentrée scolaire qui par les hasards des calculs consulaires est arrivée le vendredi 2 septembre. Notez la succession astucieuse des opérations : Théo à 8h30 eu centre-est de Munich (40 minutes de trajet depuis chez nous), Pierre et Manon respectivement à 9h30 et 10h30, et fin des cours de Théo (chargé de tous ses livres) à 12h. Fort heureusement, nous sommes maintenant incollables (ou presque… à suivre !) sur les parcours de métro, train, bus, tramway.

vendredi 19 août 2011

Initiation à la gastronomie et submersion autrichienne

Lorsque la course de l’astre du jour entame son déclin, l’estivant munichois se caractérise par sa migration vers les ondes de l’Isar, vague ruisseau alpestre qui serpente au mitant de la cité entre les galets et les résineux.

Pour notre premier jour d’un firmament permettant d’envisager un diner extérieur*, la famille au complet a donc baptisé au bord de ce torrent son rutilant kit de barbecue portatif, composé d’une barquette aluminium coiffée d’un treillage et garni de houille imbibée d’un spiritueux, le tout reposant sur un piédestal métallique aussi incommode que flexible. Ayant erré entre les grappes d’étudiants avinés, les célibataires de tous ordres en quête d’appariement ou autres musiciens débutants ou radio-équipés, nous avons finalement posé nos baluchons sous les frondaisons opulentes. Au faîte de notre merveille de technologie ambulante, nous avons délicatement déposé les précieuses pitances régionales : un assortiment de Wurst (autrement dit « charcuterie ») que, pour acclimater nos papilles embrumées, nous avons accompagnées de très tournefeuillaises salades de pousses d’épinards, tomates et autres cucurbites.

Le cliché ci-dessous se passe de légende : nous ne sommes pas encore rôdés pour les pique-niques « am Isartal ». Une rare (et fort jeune) convive a pourtant été singulièrement satisfaite de notre ordinaire corrigé de sauce tomatée, comme en témoigne la vidéo que certains pourront visionner. Apprenez que la DDASS germanique ne cille pas pour de semblables sévices qui demeurent monnaie usuelle en ces latitudes.

Quelques aubes après ce douteux procédé, nous avons enharnaché nos rejetons dans l’Espace en direction du Sud, afin d’y capter quelques rayons solaires sur nos dermes en lactescence. Première halte en Autriche au bord de l’Achensee bien connu des randonneurs en quête d’edelweiss. Nos tentes disposées, nos estomacs à l’affût nous ont menés, à pas enjoués, dans un sympathique Gasthaus tenu par des matrones en tenue tyrolienne pour une dégustation de poissons.

Les premières gouttes nous ont pris de surprise après le tri des premières arêtes, et ce n’est que lorsque les flots ont fait vaciller les parasols, infléchir les paravents, trébucher les sièges puis courir les hôtes que nous avons réalisé la situation dans laquelle pouvaient se trouver nos abris. Plus de dix centimètres d’eau sous les tapis de sol, des toiles détrempées et la pluie qui s’intensifiait à chaque instant… En deux impulsions, nos accessoires secs ont été amoncelés dans la voiture et les tentes suintantes injectées dans une gibecière imperméable. Arrosés jusqu’à la charpente, nous avons conduit plusieurs heures sous les lames jusqu’à rejoindre l’Italie et une météo clémente. Il était 3 heures du matin lorsque nous avons coupé le moteur à quelques kilomètres de Venise.

Egarés volontaires sur les îlots de la lagune, puis plaisanciers en Croatie, notre acclimatation allemande est conforme tant nos condisciples s’y répandent. Nous ne manquerons pas de renouveler ces dernières expériences.
Bonne fin de vacances à tous !

Hélène

*amis facétieux qui espériez que cette clarté était très récente, soyez dégrisés : le jour sans pluie est advenu le 1er août.

lundi 1 août 2011

Débarquement de la famille au grand complet : Illiade ou Odyssée ?

Direkt aus München, Grüß Gott !

Que nos lecteurs avides se rassurent, l’aventure persiste et s’intensifie.

La rédaction magnanime vous a épargné le récit de l’emballage des cartons, incluant une douloureuse sélection de libelles, un épanchement héroïque d’innombrables alvéoles / boîtes / corbeilles encombrées de microscopiques objets dépareillés, un inventaire ordonné des Playmobil, Lego, Kapla, poupées (etc.), un raccommodage express de déguisements, des agiotages d’apothicaire pour agencer nos meubles dans le germain logis… et autres agapes. A consigner des panades automobiles parfois ludiques (merci Sébastien pour ce changement de pneu sous un orage homérique) et parfois moins (la Modus KO à la veille de la céder).

Et c’est ainsi que le mercredi 27 juillet, la famille au grand complet, fermement apprêtée, a pris la route pour l’Allemagne, avec une quinzaine de jours d’avance sur l’appareillage des meubles et bastringues du foyer. L’aménagement de la katomobile, dilatée par les ballots, ménageait peu de mobilité aux excursionnistes encastrés entre les boîtes de chocolat en poudre et les réserves d’eau de Javel.

Sur la route de vos futures vacances bavaroises, le comité d’accueil vous recommande :

-          La pizzeria Pizza Piazza de Monceau les Mines : ses pâtes qu’un réchauffage surnuméraire a rendues translucides,
-          La chambre 309 de l’adorable Hôtel Fairview, barre de béton en bordure d’autoroute à Chalon sur Saône : la place est nette, l’accueillant cafard ayant été refroidi par Patrice,
-          Le détour par les rives autrichiennes du Lac de Constance, aussi encombrées qu’un samedi d’août à Saint-Tropez

Partis sous un astre enfin révélé aux tournefeuillais, l’équipage est parvenu à Munich jeudi 28 devant un firmament aubergine à variations ardoise, et c’est à 5 km de notre nouvelle métropole que le déluge s’est abattu. Routes inondées, voitures au pas, éclaboussures formidables, le tout escorté d’éclairs et du roulement du tonnerre. Depuis, nous n’avons vu le ciel qu’entre les ondées, giboulées, grains et autres averses que les désignations de la phraséologie allemande peint avantageusement. Le déversement de notre véhicule sous les flots persistants demeurera notre poinçon de bienvenue !

Le lendemain matin était dévolu aux libations administratives : maison de l’état et centre des impôts. Kafka n’a rien inventé, il s’est seulement infiltré dans ces deux résidences aux goulets oblongs, aux guérites innombrables, aux fonctionnaires scrupuleux. Le sésame est le billet d’attente, répandu par des dispositifs dernier cri. Quant au mobilier, il se compose de banquettes en moleskine d’un confort remarquable, véritable assignation à la sieste (ce qui est heureux compte-tenu des heures qui nous ont été nécessaires pour enregistrer notre adresse d’abord, puis notre ferme volonté de soutenir la collecte de la dîme ensuite). Les formulaires alambiqués que nous avions téléchargés puis garnis à la vapeur de nos lexiques ont été retapés intégralement par un zélé préposé qui balbutiait sur chaque accent, prénom, lieu de naissance…
L’heure du déjeuner (germanique) étant passée depuis trop longtemps, nos espérances reposaient sur un Biergarten grec dont les coordonnées sont désormais consignées dans notre livre d’or pour accueillir nos visiteurs.

Viel Spaß !

vendredi 15 juillet 2011

De l'art de rechercher un logement bavarois

Amateurs de chroniques, compliment !

Comparer la prospection d’un domicile munichois à la quête du Saint-Graal avoisine la pâle parabole, car il s’agit d’un combat de haute lutte, sans merci ni pitié, requérant hardiesse, curiosité et persévérance, mais aussi une disposition à amadouer l’éventuel bailleur en brandissant maints gages d’assise financière et de volonté de bailler durablement, cette dernière illustrée (nous concernant) par l’affichage d’une germanophilie naissante, mais sincère.

C’est ainsi que votre servante a aiguisé sa diction germanique pour justifier l’atterrissage familial à tous les mercenaires immobiliers exposés sur le piètre marché du fermage munichois. L’exégèse de la mutation expéditive, maintes fois soutenue à tous les allocutaires concentrés, s’étant révélée opérante, votre servante s’est permis après de quelques-uns des fioritures de langage et même des pointes d’humour que les originaires du crû ont reçues avec assentiment et chaleur.

Un soir cependant, ces écarts ont dérapé.
(Pour dédouaner nos récents atterris, le verbe bavarois évince en complexité son cousin allemand, et de nombreuses locutions inopinées fleurissent les propos des locuteurs rencontrés).

Un soir donc, Hélène, en servant à une entremetteuse immobilière le récit des dernières semaines, choisit un nouveau vocable pour expliquer la récente affectation de Patrice à Munich. Au lieu du « übertragen » maintes fois usité, elle spécule sur le verbe « überführen », qui pour les germanophiles pointus pourrait clairement évoquer la migration voiturière décrite dans le premier épisode de notre saga. Or cette formule a sur le visage de la commissionnaire l’effet d’une lame, et voilà que surgissent des paroles de compassion, des condoléances (registre cordial).

Laissant négligemment le flot survenir, Hélène insiste pour considérer la cave. Pour les non-initiés, la Keller (cave) en Allemagne ne conserve pas que du vin et le capharnaüm surnuméraire. Véritable adjointe du foyer, la Keller se distribue en plusieurs salles dont l’indispensable buanderie, plusieurs lieux de rangement et couramment une salle de jeux.
L’employée consternée de voir sa mansuétude négligée procède consciencieusement à la visite, sans négliger les éclaircissements associés. Tout en prodiguant des instructions sur l’utilisation des (délétères) fourniments, elle accompagne son propos d’adorables « vous verrez, vous vous habituerez à votre nouvelle étoile, les gens sont bienveillants ici pour les familles en difficulté » (en Bayerisch dans le texte). Hélène lui rétorque poliment qu’elle est confiante dans la capacité d’adaptation de la famille et que la région semble plaisante (une fois les caprices de la météo apprivoisés)...

Tout à coup l’agent sonde avec délicatesse si le pater familias avait été munichois, seule justification réaliste à cet attachement excentrique à la Bavière. Hélène lui réplique que Patrice est français (et qu’il ne parle pas un traitre mot d’allemand !). La face de la dame se détend : « Votre mari est donc toujours vivant ! ». L’évidence de cette affirmation a de quoi assommer : «  Incontestablement ». Et dans un fou-rire, nous remontons à la source : « uberführen » est un mot grammaticalement correct qui signifie bien un transfert dans l’espace, mais ne s’applique pas aux organismes vivants. Seuls les objets, les cadavres et les cendres sont susceptibles d’être « uberführt ». Réjouissant.

Que notre lectorat affligé se rassure, d’autres visites ont porté leurs fruits et c’est donc dans le quartier de Fasangarten que nous vous accueillerons… si des fois vous envisagez d’affronter les éléments jusqu’à la Germanie.

Cette adresse, libérée par des toulousains de retour au soleil (eux…), est la possession d’un insolite et francophile Docteur K. qui loge au bord du lac de Starnberg dans les flots duquel furent découverts le 13 juin 1886 les corps sans vie de Louis II de Bavière et de son praticien particulier. Le paraphe du contrat de location, sis au-dit domicile lacustre, a été l’occasion d’un débat qui des charmes de l’Allemagne du Sud en est arrivé aux résonnances de l’énergie du monde, puis aux préparatifs précautionneux du rendez-vous stellaire du 21 décembre 2012, date à partir de laquelle est attendue (par notre futur tenancier) une inversion des flux obscurs et lumineux émis par les consciences humaines. Le déroulement de notre entretien prenant un tour des plus initiatiques, Patrice et Hélène, espiègles, décochant en outre interrogations et collecte de précisions minutieuses, l’épouse japonaise de notre hôte apporte soudain un plateau de rafraîchissements qui laisse présager que nous serons retenus interminablement dans ce repos montagnard.

Patrice avance alors une méningée aigüe, des palpitations abominables (bref, une affection répugnante à l’heure des bactéries assassines), contre laquelle le rusé Docteur (dont le titre ne provient d’aucune maison médicale) propose un traitement de sa façon.
Et le voilà penché sous son canapé, brandissant deux tigelles en bois clair d’une main, et de l’autre un tubulaire assorti d’un ressort doré. Tenant ferme l’une des barres, remettant la seconde dans le poing de Patrice, le voici qui secoue le ressort à la recherche des influx des forces telluriques, dans l’optique de créer « la base d’une relation entre [lui] et Patrice, afin d’être capable de le soigner par la suite, quelle que soit sa prochaine souffrance ». Après plusieurs tentatives d’impulsions différentes, imprimées aux instruments thérapeutiques par un Docteur prodigue en exposés sibyllins, le remède préconisé consiste en une seconde batterie d’ustensiles, électriques cette fois, exploitant des fréquences singulières et (parait-il) encore inexploitées.
Nous subissons sans rire un premier quart d’heure de ce traitement, puis, alors que se profile à l’horizon « une dose supplémentaire », Hélène prétexte un agenda chargé et nous prenons congé (raisonnablement vite). Inutile de reporter la durée du fou rire qui nous a secoués dès le premier virage.

lundi 11 juillet 2011

Pfannesuppe et autres contes : épisode I

Inconditionnels du London City Direct* d’antan, aficionados de toujours, esprits vaporeux qui aviez espéré être à jamais débarrassés des fléaux littéraires Brossier, amis plus novices qui aviez alors échappé au ressac philosophique hebdomadaire, hibernants exaltés et estivants sur le départ, bonjour !

Oyez les truculences de la vie Munichoise…
Vous aviez quitté cinq Brossier dans un havre de paix tournefeuillais éternellement en travaux, entourés d’une cohorte courtoise composée des meilleurs amis que l’on puisse souhaiter, des enfants épanouis au travers de mille activités dans lesquels leurs parents avaient pris des charges inaliénables… bref vous aviez imaginé des Brossier installés, au mieux stabilisés.

Or ils ont rechuté. Abondamment.
A force de conviction, Patrice a décroché (mi juin pour début juillet) un emploi dans les étoiles, les aéronefs et la défense. Les étoiles et les aéroplanes, nos lecteurs qui le connaissent appréhenderont aisément. Pour la défense, le paradoxe reste entier compte-tenu de ses antécédents. Avec de tels tauliers, voilà Europe cuirassée !

Pour ne rien simplifier, l’employeur spatiophile tient boutique à Ottobrunn, charmant village quasi lacustre dans le sud de la Bavière, suffisamment proche de Munich cependant pour que la maisonnée puisse envisager un refuge citadin.
Nous passerons sur l’enchaînement expéditif des événements ayant conduit à l’atterrissage outre-Rhin. Voilà donc Patrice et Hélène sur les chemins européens en ce merveilleux premier week-end des vacances scolaires.  Que nos lecteurs avides de bouchons autoroutiers se rassurent, les encombrements n’affectent pas les toulousains se rendant en Bavière, puisque la transhumance normale du bipède s’effectue en été du septentrion vers les cieux ensoleillés.

Des nuages gris perle et une fine pluie ont accueilli les voyageurs engourdis par les 1300 kilomètres avalés par l’athlétique et méritoire Modus. Les aimables voisins, détenteurs de la clé de notre appartement temporaire sous-loué à une famille d’expatriés partis pour deux mois sur le littoral atlantique, ont rapidement réchauffé l’atmosphère dans un français hésitant.  Short et jupette échangés contre un bon jean et une laine polaire, ça y est, nous sommes acclimatés !

Et dès le premier soir, nous partons à l’assaut de la restauration bavaroise. Sur la carte, des mets de saison : soupe, ragoût… Hélène se sent l’âme expérimentale et avise la Pfannesuppe. Dans sa mémoire, Pfanne résonne bien comme un élément comestible (animal ou végétal ?). Enfin, une soupe ne peut pas déceler de vice caché rédhibitoire, ni à priori de graine germée porteuse de bactéries médiatiques.

Lorsque la serveuse (russe) dépose le bol de soupe, des lamelles bistres surnagent subtilement à la surface du bouillon. Au goût, poulet ou autre volaille, ou encore un légume ferme et blanchâtre mariné et revenu à la poêle. Mais en cherchant bien, il s’agit d’une soupe aux brisures de crêpes !
Délicieux autant qu’inattendu.

Ami lecteur, si vous voulez maintenant savoir :
-          si le foyer pourra vous accueillir dignement à votre prochain passage à Munich,
-          comment sélectionner son Getränkemarkt,
-          comment s’attirer involontairement la compassion ronflante d’une agence immobilière,
demandez le numéro suivant de votre gazette…

A suivre, mode d’emploi
Voici fraîchement débarqué dans votre boîte aux lettres le début de l’aventure. Si vous souhaitez en être débarrassés, rien de plus simple : ne faites rien. Sinon, je vous inviterai prochainement au Googlegroup « Pfannesuppe et autres contes ». Inscrivez-vous, et c’est parti !
Et si de nouveaux lecteurs - que la rédaction indélicate aurait omis dans sa première proclamation mais que des lecteurs avisés auraient informés de la naissance de cette publication - souhaitent rejoindre le Groupe, merci d’en faire la demande par retour de mail.

Note bibliographique : London City Direct était un bulletin à parution approximativement régulière édité entre les mois de novembre 2002 et mai 2003, à l’occasion du passage remarqué de la famille Brossier dans la capitale britannique. Il paraît que des exemplaires vélin numérotés s’échangent encore sous le manteau. Avis aux collectionneurs.