dimanche 29 janvier 2012

Flocons et boules de neige

Avec les flocons quotidiens et le mercure calé au négatif, notre aptitude à la conduite sur les lames pétrifiées s’est indurée, jusqu’à concéder des échappées en état troublé.
 
Ainsi la fraîche promenade vers l’hôpital (samedi aux aurores), lorsque j’escortai, sous la bourrasque laiteuse, un Théo aux pointes vigoureuses indisposées. Moins d’un tour d’horloge plus tard, il était admis au bloc opératoire.

L’épisode s’est conclu favorablement, cependant nous aurons à cœur de susurrer aux parents de damoiseaux quelques recommandations pour déjouer de telles alarmes.

 Autres divertissements au crédit de la neige : de nombreux dévers en luge et un igloo familial, des veillées « ski de randonnée et agapes » pour Patrice, un brevet de pelotes de neige pour les autres ; les pelletées du matin, les pelletées du soir ; les graviers, raflés sur les trottoirs par nos chausses démesurées, et les canardières d’eau glacée qui se forment dans le sas d’entrée.  


Viel Spaß







lundi 16 janvier 2012

Et soudain le firmament s’obscurcit.

Depuis notre immersion bavaroise, nous avions invoqué les esprits de l’hiver, ébroué maints gri-gris, valsé sous les conifères les soirs de pleine lune ; en vain. Les flocons parfois dansottaient, bardaient les accotements de quelques pouces argentés, et l’hiver détalait.

Vendredi dernier, à la tombée de la nuit (16h25, donc…), l’horizon soudain s’obscurcit, l’éther s’épaissit et du firmament churent de minuscules pelotes pesantes et affilées. En français le vocable « mi neige mi grêle », à ma connaissance, reste à inventer.

Eparses en préambule, puis fourmillantes, et enfin innombrables, en rafales horizontales, virevoltantes, instables… en une minute, la circulation en pleine ville, pourtant dense, s’est brusquement démêlée : je me retrouvai seule sur la chaussée, ou plus exactement isolée dans le mètre entourant l’héroïque Modus, périphérie suprême du champ visuel disponible à cette heure.

En moins de temps qu’il ne faut pour le transcrire, toutes les berlines alentour avaient viré au blême uniforme, plus de légende routière. Rupture momentanée du fil d’Ariane, rideau (blanc).

Au répertoire sonore, l’union du vacarme des vents et du silence molletonné des floches.

Du fond du sac à main, précieux, transi, mes doigts ont délivré le sésame de nos premières errances en pays d’exil : l’écran du GPS…

vendredi 9 décembre 2011

La scie, la carotte et le bretzel

Au « deuxième Avent » s’amorce la quête du compère des jubilés de la Nativité, conifère vigile des largesses et des illuminations hiémales.

Nous avons donc mis cap sur Unterweikertshofen pour une odyssée forestière en charrette, puis une randonnée familiale, sciotte au bras, au mitan d’une futaie de résineux. Le suffrage ayant distingué un baliveau fourmillant, aux ramures élégamment distribuées, les aspirants bûcherons (7 et 10 ans) ont amené le titan à croquer ses copeaux.

Le pivot toisé, apprécié, empaqueté a ensuite escorté le retour des badauds dans la carriole chamarrée.

Il est coutumier de fortifier son organisme après une excursion. Un avenant village de maisonnettes a accueilli les dévalés du halage, afin de les rassasier de saucisses grillées, soupe aux lentilles, gaufres et vin chaud dégustés debout, autour d’une flambée, ou installés sur des causeuses taillées à même les souches.

 L’Avent se prolonge par la ronde de Sankt Nikolaus dans les chaumières, dans la nuit précédant le 6 décembre. Aux gamins pondérés et diligents, l’évêque bienfaisant dispense sucreries et présents. Aux indisciplinés, il dépêche le compère Fouettard. Rusés, les enfants tentent d’amadouer le vaillant bienheureux (et sa mule) en disposant sur le seuil une carotte, un sucre et un verre de vin chaud. Le lendemain, le prélat revient dans les écoles, coiffé de mitre et brandissant crosse, sonde chaque écolier sur son attitude, prodigue conseils ou réprimandes puis remet la rituelle musette : l’orange, les chocolats, une bougie et l’étoile de Noël.

Enfin, pour s’acclimater aux banquets à venir, les pâtissiers novices pétrissent (et grignotent) les innombrables Plätzchen et bâtissent leur maison en pain d’épices.

Viel Spaβ !


samedi 3 décembre 2011

Salamandre et pédibusripage

Au déclin du 25 novembre, les lumières de l’Avent s’embrasent sur la cité entière. Les échoppes des Christkindlmärkte (marchés de l’enfant Jésus), édifiées depuis plusieurs semaines, ne se découvrent qu’au seuil du « premier Avent ». Nulle chinoiserie sur les étals ; Sainte- Famille et augets sylvestres, sphères cristallines et luminaires chamarrés… Pour se ravigoter, Plätzchen* gourmands, brochettes de fruits ensevelis sous le chocolat et Glühweine ou autre Kinderpunch, philtres bouillants, épicés et vaporeux que l’on déguste debout, attablés sous des fermettes en sapin ornées de tresses de feuillage.

Au détour d’une ruelle se déroule une aire de pédibusripage. Ailleurs, c’est un kiosque à musique, ou une crèche vivante.  Tout est en place pour l’attente de Noël… hormis la neige qui se fait désirer ! Or les fardiers familiaux ont été acclimatés pour la surgie des floches, boyaux d’hiver et revêts nocturnes, et les anciens occitans enharnachés de pelisses tenaces aux atmosphères polaires. Enfin, une salamandre adhésive a été établie derrière les croisées du jardin d’hiver, afin de dispenser aux quidams domestiques l’indication salutaire : en fonction des Celsius, élisez votre blindage !


Fröhliches Weihnachtszeit !
*sablés

dimanche 13 novembre 2011

Quand la bise fut venue…

Après une saillante parenthèse occitane, presbytérale et sanitaire, cinq promeneurs aux mirettes désormais rectilignes ont suivi de nouveau l’azimut du Septentrion Oriental, avec une pause inédite à Paray-le-Monial. Ritournelle inévitable, le thermomètre a chuté en voyage d’une mesure pour 200 km.

Fortune heureuse, la neige n’a pas encore usurpé la tendre pelouse, néanmoins un frimas glacé s’étend chaque nuit dans les travées et à l’aube les minois rougissent dès le seuil franchi. Des armoires ont surgi écharpes, capuches, mitaines et bottillons fourrés, et les dermes délicats sont bardés d’onguents étoffés.  

A la Saint-Martin (11 novembre), nulle mémoire de Poilus en Germanie, mais une ribambelle de joyeux galopins portant lanternes et psalmodiant la Lumière bienfaitrice. Lustres et lampadaires qui s’animent d’ailleurs dès 16h30 car la nuit s’empare rondement de la contrée !

Pelles à neige et instruments hiémaux ont déjà rejoint l’apanage depuis début octobre ; désormais l’excitation monte alors que les échoppes exhibent les décorations de l’Avent et les recettes savoureuses des délices épicés. Chacun spécule sur la futaie où un traineau le mènera couper le sapin familial, tandis que les destinations secrètes pour les journées de luge s’échangent sous le manteau. Pourtant, hors les flocons épars saupoudrant la tonnelle le 1er octobre au matin, nulle floche immaculée n’a encore admis se poser sur la Bavière impatiente.

A bientôt !

PS : au menu de la cantine de l’école franco-allemande jeudi dernier : Pfannesuppe. Ils ont osé !

dimanche 23 octobre 2011

Oktoberfest et plus encore

En Bavière, avec le mois de septembre revient… la Fête d’octobre (Oktoberfest), parfois sournoisement nommée Fête de la Bière par les exogènes, notamment hexagonaux.  Le premier mouvement se repère dans les transports en commun : une population étrange en culottes de peau et chemise en vichy, guêtres de grosse laine et chaussures de montagne, couvre-chef emplumé parfois orné de l’edelweiss pour les hommes, ample jupe à tablier coloré sur de fines ballerines laquées, échancrure calculée et bijoux engageants, coiffures irréprochables pour les dames. De 3 mois à 99 ans (avec probablement des dérogations hors de ces deux extrêmes), les bipèdes locaux, mais aussi d’innombrables imports, convergent incessamment vers le champ de fête, vaste étendue localisée à 400 mètres du collège de Théo à l’ouest de la ville.
Ce sont quinze aurores et quinze crépuscules de cette transhumance, visages allègres et tenue respectueuse, jours de bombances aux airs de bacchanales, moins délurés et impétueux que ne le suggère la renommée du plus populaire événement festif du monde.

Le champ de fête se rehausse de sept fermettes sylvestres principales de près de 2 acres* chacune, et de centaines d’autres plus modestes, habillées d’elfes et de fées et meublées de tablées de myriades de couverts, d’un banc d’orchestre complet, sans compter les arrière-cours où s’entreposent les fûts, et les cuisines où se déversent pour rôtir des élevages intégraux de demi-poulets.

Les manèges anciens et modernes entourent les métairies, pour que les ventres gonflés de ferment d’orge parfumé au houblon s’épanchent au rythme des culbutes et des girations foraines, tandis que les kiosques à bretzels et à friandises réassortissent les panses retournées.
Après le divertissement, dispensé jovialement et sans grossièreté aucune, chacun s’en retourne silencieusement à ses pénates, non sans avoir orné le cou de sa belle d’un cœur de pain d’épices où s’écrivent des mots doux en lettres de massepain.

Octobre correspondait aussi à l’opération des yeux de Manon. Tout s’est bien passé. Sa convalescence est prodigieuse.
A bientôt !

mardi 27 septembre 2011

La soupe du jour

Amis francophones de métropole et d’ailleurs, Grüß Gott !

Une trêve dans nos ardeurs bavardes vous ont permis de sereinement souffrir les tumultes de septembre. Aux lisières des forêts bavaroises se sont également déferlées les fougues industrieuses d’une rentrée scolaire en terrain allogène. Nos habitués nous ayant engagés à relater notre vie familière, voici donc un « Pfannesuppe quotidien ».

L’ordre protocolaire place la famille Poissons (par le quantième) au premier rang. Vous aviez quitté quatorze locataires de l’aquarium, le recensement s’est profusément réduit. A la suite de l’acidification éclair de leur milieu de vie, nous avons procédé à une séparation temporaire en deux échantillons ichtyologiques : les voraces et les faméliques. Un représentant de la première population ayant expérimenté un salto suicidaire en dehors du réservoir, les gloutons ont été éructés dans l’Isar, pour un circuit au long cours puisque notre ruisseau se jette dans le Danube qui, comme chacun le sait, est le deuxième plus long fleuve d’Europe, prenant sa source dans la Forêt-Noire, mesurant 3 019 km à partir de sa source et baignant plusieurs capitales de l’Europe Centrale, Orientale et Méridionale : Vienne, Bratislava, Budapest et Belgrade, puis  se jetant dans la mer Noire par un delta qui sépare la Roumanie et l' Ukraine (merci Wikipédia). A l’heure où s’écrivent ces lignes, quelques homonymes de vos enfants sont donc en voyage d’études. Les six survivants (sur un assortiment initial de vint-quatre) accèdent enfin à la pitance et se portent à merveille.

Au nombre des excursionnistes, Patrice gobe les kilomètres et ripaille alternativement chez nous et chez nos amis toulousains. Son goût de l’intrigue politicio-avionique varie au diapason des ondulations diplomatiques. A en croire les pelletées de terre qu’il a récemment répandues dans le jardin en lieu et place de la lagune, l’heure est aux tensions professionnelles soutenues.

Fraîchement collégien, Théo discerne l’espace de liberté que lui ont agréé ses parents : pour prévenir des aléas de longs trajets (plus de 40 min) aux multiples changements (bus / métro / train), notre préadolescent dispose de sa propre clé et d’un téléphone portable bloqué. Le cercle polyglotte de ses nouveaux complices s’est rapidement constitué, incitant notre timide à entrelacer l’anglais et l’allemand pour exprimer ses émotions. Réticent au démêloir et aux sécateurs capillaires, ensaché dans des paletots trop larges… il semble s’éloigner de son tableau de sagesse ! L’immersion dans cet environnement inédit l’a néanmoins mûri et lui a ouvert incontestablement des horizons à explorer.

Pierre le consciencieux cabote dans ses neuf heures d’allemand hebdomadaires, et ambitionne d’être le premier germanophone de la couvée. Il fraternise avec les gamins du quartier, détale dès que possible pour ne rentrer qu’au crépuscule s’écraser sur son lit jusqu’à l’aube. La cadence scolaire germanique (école jusqu’à 14h) combinée aux magnifiques journées de ce mois de septembre lui convient pour l’instant.

En ces journées d’Oktoberfest (gauchement traduit Fête de la Bière), Manon a noblement porté le dirndl, parement princier embrassé ces jours-ci (mais pas seulement) par l’ensemble de la ville sans considération d’âge ou de sexe. Immergée dans le bain linguistique entretenu par ses deux enseignantes, Manon revendique qu’on lui parle allemand à la maison et récite des comptines locales en montant les trois fois quatorze marches qui mènent à sa mansarde. Pour notre désespoir, elle est enchantée par les assortiments bretzel-saucisses…

Et pour ma part, apaisée des agacements professionnels, sorte d’essieu familial aux inhabituelles et délicieuses heures de sérénité, je déroule mon ouvrage notamment dans le consensuel conseil des parents de l’école française.

A bientôt !